mardi 16 juillet 2013

Des zombies dans le RER B, épisode 1




Des Zombies dans le RER
Épisode 1

Il faisait chaud et Paris se désertait de ses habitants ordinaires, ils étaient remplacés un par un, comme dans l'invasion des profanateurs de sépulture, par des légumes, des haricots géants qui transportaient d'énormes valises et parlaient fort pour communiquer les uns avec les autres. C'était tous les ans le même manège et à un moment ou un autre, elle quittait la ville lumière, trop lumineuse dans la chaleur de l'été, pour s'exporter dans l'ennui métaphysique d'une ville de bord de mer. Mais cette année il n'y avait pas de repos pour les braves, et après une année d'hiver sans fin, elle devait rester à Paris pour travailler, gagner de l'argent ce qui n'arrivait pas, car elle ne trouvait pas de job. Ses journées consistaient entre quelques rencontres d'amis et des allers-retours chez Gibert pour vendre quelques uns de ses bouquins afin de continuer à maintenir une vie sociale, que l'été allait finir par abolir envoyant tous les gens qu'elle connaissait dans la dimension vacances. Ou pire l'été allait s'achever et l'hiver, chaque année plus long, allait emporter tous les espoirs de repos ou d'accumulation d'argent. Fourmi qui voulait se préparer à l'hiver, elle était condamnée à jouer les cigales désargentée pour ne pas rester seule avec sa cabin fever.
Elle était dans la queue de Gibert avec dans son sac en tissus 5 mangas qu'elle avait acheté l'année précédente, Ô période faste, 8 euros pièce. Les gens avaient des faces mornes, il y avait un homme qui avait un caddy plein de livres d'enfants, ainsi qu'un sac plein de bandes dessinées. Qu'est-ce qui pouvait le motiver à vendre tout cela? Et l'employée qui refusait de se poser des questions et dont l'interaction avec celui qui voulait vendre était minimum, rendait au fur et à mesure les livres à l'homme. Gloria se faisait la réflexion que les Tintins n'avaient plus de valeur. Quand elle avait vendu des livres il y a quelques années le libraire lui avait demandé à la place de ses mangas et de ses persepolis, si elle n'avait pas plutôt des Tintins et des Cortos Maltese. Elle lui avait répondu que ceux-là elle ne les vendait pas! Et là chez Gibert l'homme entassait les Tintins que lui rendait l'employée. Quand ce fût son tour elle eut droit au même traitement silencieux de la part de son employée. C'était difficile pour Gloria de se dire que ces employés n'avaient pas de curiosité pour ces gens qui étaient prêt à faire la queue dans la chaleur pour gagner un peu de monnaie... Quand la jeune-femme eut pris ses cinq mangas et son disque elle accepta le ticket qui lui vaudrait 12 euros en espèce, mais avec une sorte de mal au bide... Les livres qui n'avaient pas de valeur à ses yeux elle n'arrivait pas à les vendre (personne n'en voulait), elle vendait ceux qui en avait un peu... Ceux qui n'ont jamais vendus leurs livres pour pallier à une fin de mois difficile ne sauront jamais ce que c'est que d'être fauché, et avec 12 euros on ne va pas loin. Un jour peut-être elle aurait à vendre ses trésors, et elle arrivait à imaginer que l'avenir lui soit si peu clément. Elle disait en riant jaune: " à moins que je finisse mon roman de science fiction et que j'arrive à le publier".
Elle avait faim et elle ne pouvait pas entamer sa fortune de pacotille pour un sandwich bien qu'elle veuille rester intra-muros, alors elle prolongea un peu l'errance, prenant le chemin des touristes qui mène de Saint-Michel à Châtelet.
Les voilà, les touristes, ils marchent en groupes, un groupe d'adolescents tous vêtus de tee-shirts bleus, des américains en short et chapeau à ficelle sous le menton qui suivent le parapluie refermé de leur guide. Ils sont partout dans les lieux qui leur sont destinés, ils ne veulent pas ne pas se définir comme touristes, ils ne veulent pas être perdus, les touristes ont peur de se perdre, et personne ne leur a dit qu'on ne se perd pas à Paris.
La Seine est verte entre les murs en calcite blanc-cassé qui la retiennent. En regardant la Seine on peut presque croire en la mer, et de l'autre côté de l'ile de la cité, la circulation sur les berges est coupée et des ouvriers installent la plage pour les gens comme elle qui ne partiront pas.
Elle descend dans la bouche de l'enfer dont on vient de refaire les dents, au dehors le futur forum est encore une carcasse squelettique, dont la verdure fait penser aux anciennes halles qu'elle n'a vue que dans les photos en noir et blanc exposées dans le forum. C'est comme si dans le ventre de Paris on déterrait les restes du grand dragon. Ce squelette vert, en plein jour est comme le signe, le signe que la chaleur se chargera de nous faire oublier le temps. Gloria descend dans la gueule du monstre, elle passe les portes de l'enfer de la gare d' hoRER où n'est pas écrit « toi qui entre ici abandonne tout espoir. ». Descendue au plus profond, sur le quai du RER B qui se dirige vers le sud, l'affichage a oublié le temps et le temps d'attente n'est plus mesurable, un à un les trains disparaissent de l'écran comme s'ils étaient engloutis par un trou noir, et le quai se noirci d'une foule impatiente.
Tout à coup une femme hurle: « Mais ça va pas la tête il m'a mordu ce con, mais vous êtes malade monsieur! » le silence se fait sur le quai et tout le monde regarde dans la direction des cris. Gloria que la foule oppresse, sort du RER pour descendre vers le sud de Paris par la ligne 4.
Fin de l'épisode 1" à suivre..." 
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undeuxtroisquatrecinqsix  SeptHuitNeuf et Dix

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